Nées en Grèce autour du 8ème siècle avant notre ère et réinstitués en 1896 par Pierre de Coubertin, les Olympiades véhiculent trois significations fondamentales. La première concerne la santé individuelle dont dépend celle de la cité : « une âme saine dans un corps sain » était la devise des Grecs que les philosophes ont, par la suite, adoptée. La seconde concerne l’importance de la variété et de la compétition dans l’exercice du corps : en harmonie avec la diversité des capacités individuelles, la diversité des sports offre un riche champ de possibles. La troisième signification concerne le caractère pacifique et donc apolitique des concours gymnastiques : fondées pour réunir provisoirement une multiplicité de cités, souvent concurrentes et fréquemment en guerre, les Olympiades exigeaient la trêve des hostilités durant leur déroulement. Il n’est peut-être pas fortuit que Coubertin fut un pédagogue suisse. Éducation, émulation, neutralité politique.
Un des traits de la société de consommation est de transformer toute réalité en marchandise et de la promouvoir par ses multiples canaux de publicité. Un des traits de la culture matérialiste est d’exalter la forme physique au détriment de l’éveil de l’esprit. Celle que Guy Debord appelait « société de spectacle » s’est donc emparée des JO, jouant sur l’attraction du sport pour le public et sur l’efficacité de la compétition dans l’excellence sportive. Tombée dans ces rouages, l’organisation des Jeux a ajouté, à la concurrence sportive, celle des États sélectionnés pour en accueillir le déploiement. À l’attribution finale des médailles s’est ainsi ajoutée une prestigieuse cérémonie inaugurale offrant en spectacle mondial les pouvoirs financiers et créatifs du pays d’accueil.
S’il est légitime qu’un pays profite de l’occasion pour parfaire internationalement son image, on peut à juste titre questionner le contenu de la prestation. Le sens de celle-ci est l’importance d’une performance humaine qui, abolissant les frontières que dressent puissances et préjugés, rappelle l’unité fraternelle de l’humanité. Le pays organisateur saisit à juste titre l’occasion pour manifester sa présence par sa prestance. En l’occurrence, pour ce pays, se présenter dans sa grandeur c’est puiser dans son histoire les faits et les symboles aptes à représenter la signification de l’événement honoré. C’est aussi veiller à s’adresser à tout public pour effacer, le temps des épreuves, les distinctions économiques et sociales. Participer aux JO c’est redécouvrir, à travers la personnalité du pays d’accueil, l’unité de l’humanité mondiale à travers la réunion de ses meilleurs athlètes.
La cérémonie inaugurale à Paris fut un plein succès. Organisation exceptionnelle mettant en lumière l’extraordinaire magie des rives de la Seine. Une technologie de pointe encadrait les exploits des acteurs qui, de leur côté, se surpassaient en jonglant avec la pluie. Mais quel était le message de ces prestations fabuleuses ? Quelle France était-elle mise en scène ? De quelle image du monde ce spectacle mondialement diffusé était-il porteur ? À quel public s’adressait-il ? Et dans quelle trappe était tombée l’intention pacifique des Jeux Panhelléniques ? Pendant que, acteurs et spectateurs, nous vivions la fiction d’une trêve, les guerres poursuivaient leurs ravages.