Septembre 2023 :
le conflit ?

Rencontre violente de deux intérêts antagonistes, le conflit met les parties concernées en position de combat. Qu’il s’agisse de territoire, de ressources ou de croyances, le conflit met en face deux adversaires qui font, de l’intérêt qu’ils ont chacun à défendre, une affaire de vie ou de mort. Combat pour la survie physique ou pour l’honneur, souvent pour les deux à la fois, le conflit renvoie l’être humain à quelque chose de viscéral. Par-delà ce qui est empiriquement en jeu, par-delà ce qui est officiellement revendiqué, les adversaires, individus ou collectivités, se sentent menacés dans leur condition d’existence. Atteints au vif de leur sujet, les protagonistes d’un conflit sont également prêts à tout pour ne pas périr.

La conscience du péril de perte radicale inhérent à tout conflit génère la volonté de son évitement. La négociation est cette communication particulière où les parties ayant des intérêts de prime abord incompatibles discutent des mesures qu’elles pourraient prendre ensemble pour résoudre leur différend. Témoin des dommages allant jusqu’à la destruction totale dont le conflit est porteur, l’histoire oriente les responsables politiques et économiques raisonnables vers la recherche de compromis. Ainsi le conflit – la guerre franche – advient quand les tractations entre les organisations concernées ont échoué. Dans la sphère privée, la négociation emprunte la voie de la médiation où l’entremise d’un tiers vise à substituer l’entente au conflit.

Négociation et médiation utilisent la confrontation pour prévenir le conflit. Comme la racine du mot l’indique, la confrontation met face à face deux réalités pour les comparer, pour rendre apparentes leurs similitudes et leurs différences. Le dialogue est cette communication particulière où des individus d’avis discordants croisent leurs avis divergents dans un souci de vérité. La vérité visée dans la discussion consiste à soumettre son point de vue individuel à des points de vue différents, voire opposés, afin d’en éprouver la validité. L’intérêt de la confrontation est, précisément, de transformer en enjeu de compréhension commune ce qui, laissé en état, est source de conflit.

Le problème est que la peur du conflit, viscérale parce que le conflit expose au danger de mort, conduit plusieurs d’entre nous à le confondre avec la confrontation – à prendre le désaccord pour une opposition et le refus pour une agression. Cette confusion, en nous épargnant le désagrément passager d’une dissonance, nous empêche de clarifier une situation et nous prive ainsi d’une chance de mieux comprendre autrui et nous-mêmes. Éviter la confrontation, c’est charger le sac des non-dits, des dénis, des justifications vaines qui alimentent conflits intérieurs et violences sociales politiques. Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, Karl Jaspers invitait les Allemands, périlleusement divisés par leurs différentes attitudes par rapport au nazisme, à confronter leurs idées pour, justement, sortir d’un conflit psychologiquement et socialement délétère. Un échange de parole entre nous ne peut avoir de sens que si nous reconnaissons que nous devons partir de nos divergences extrêmes sans les considérer comme définitives.

Toute opposition devient proposition dès lors que nous nous en emparons comme d’un levier pour avancer sur le chemin escarpé et passionnant de nos existences, indissociable de notre coexistence.

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