Le meurtre abominable d’un professeur par un islamiste intégriste nous contraint à repenser le sens de la laïcité. Principe fondateur de la République, la laïcité institue la séparation de l’Église et de l’État. Cette séparation, qui renvoie la religion dans la sphère privée, est au service de la liberté d’expression. Celle-ci comporte deux volets indissociables. En tant que particulier, chacun est libre d’adhérer à la confession de son choix. En tant que membre de la communauté politique, chacun est libre d’exprimer son opinion religieuse par les mots et par la caricature. La loi ne sanctionne pas le fait de tourner en dérision la religion mais punit, en revanche, les propos et actes diffamatoires à l’égard d’un groupe religieux. Autant dire que, subjectivement, ce qui est « blasphème » pour les uns est « droit à la liberté de presse » pour les autres.
Instituée dans le contexte d’une culture catholique lestée des atrocités commises par l’Église pour répandre son dogme et punir les hérétiques, la laïcité se trouve actuellement diversement débordée. Débordée par l’avènement d’une religion monothéiste « rivale » qui n’a connu ni la Réforme ni la Révolution. Débordée par une école laïque qui, confondant catéchisme et l’histoire des religions, a exclu l’un et l’autre. Débordée par une technologie qui, loin d’être neutre, porte atteinte aux libertés fondamentales. Débordée aussi par la compulsion actuelle de se précipiter sur la « solution » avant de bien poser le « problème ». Compulsion encouragée par des politiques plus soucieux de leur réélection que du traitement durable des problèmes récurrents.
Alors, que faire ? Poser la question du sens de la laïcité ainsi qu’Edgar Morin l’avait fait en 1990 en évoquant son trou noir. Questionner les idéologies lovées dans nos déclarations démocratiques. Cesser de réduire l’Islam à une religion pour le considérer en tant que culture. Sortir des polémiques au profit de discussions qui, confrontant les points de vue les plus divers, sont à la recherche d’un sens commun. Vaines paroles ? Non. Actes simples, préalables indispensables mais insuffisants. Oser interdire, punir, expulser pour préserver nos libertés, dont celles des musulmans de France.