Nous voici pris en étau entre deux virulences récurrentes, la pandémie rampante et l’intégrisme mortifère. De part et d’autre, réactions émotionnelles, spasmodiques, compulsives face à deux problèmes réels, attaquant le corps et l’esprit. Nous voici individuellement et collectivement atteints dans notre humanité, faite de chair et d’âme, synthèse énigmatique mais irréductible.
Nous voici appelés, non pas à réagir, mais à agir. Agir consiste à incarner une pensée en l’embarquant dans le cours incertain du monde. Penser exige à la fois le retrait et la confrontation. Penser n’est pas savoir, encore moins fabriquer. C’est exercer son discernement en veillant à ne jamais substituer les moyens aux fins. La liberté d’expression sans pensée préalable est une aberration. C’est dans le vide de la pensée ainsi définie que s’inscrit le mal, répète inlassablement Hannah Arendt.
Face aux virulences du moment avons-nous pris le temps de poser le ou/et les problèmes ? N’avons-nous pas confondu finalités et dispositifs ? Bien poser un problème exige la mise en relation de facteurs en apparence indépendants dans une réalité où tout est entrelacé. Bien poser un problème de prime abord inédit exige sa mise en perspective historique. Bien poser les problèmes qui concernent le sens de notre humanité exige le renoncement aux oppositions partisanes et aux ambitions électorales. Résoudre n’est pas dissoudre dans l’incohérence mais dénouer sans briser les fils. Les nœuds gordiens de notre destin commun ne peuvent être tranchés avec l’épée d’Alexandre. Un problème mal posé conduit à l’impasse.
Alors ? Réorienter nos peurs. Apprendre à vivre avec la mort qui constitue notre lot de vivants. Redouter l’absence de pensée plus que la mort physique. Adopter la prudence nécessaire en sortant de l’obsession urgentiste. Penser et non pas opiner. Agir et non pas gesticuler. Cela commence dans la famille et se poursuit à l’école. École de la République et école de la vie.
