Le principe d’identité logique « A = A » indique que toute réalité est elle-même et rien d’autre qu’elle-même. La carte d’identité, mise au point par la police au 19ème siècle pour traquer les suspects, identifie l’individu par ses données biologiques – empreinte digitale ou/et ADN. L’unicité de chaque individu est ainsi réduite à ses signes physiques, dont le sexe. Fondée sur l’identité biologique, l’identité civile rejoint curieusement l’identité logique : chacun est un A = A, c’est-à-dire un animal administrativement repérable, aujourd’hui condensé dans un QR code.
À la biologisation administrative de l’individu s’oppose la vive protestation contre les déterminations biophysiques. Le mouvement LGBT, qui revendique le droit à la liberté de choisir son genre en recourant si nécessaire à la chirurgie, est aujourd’hui accompagné d’un autre, réclamant une plus grande liberté. Celle de la « fluidité » permettant d’être « bi » au gré des envies et des circonstances afin de casser l’identité définie par le genre génétiquement fourni. La liberté n’est pas mesurée à la capacité de résister aux tutelles et tyrannies extérieures mais à la possibilité de plier ses propres traits naturels. Un demi-siècle après mai 68, la révolte s’adresse, non plus aux autorités instituées, mais aux déterminismes hérités.
Ce courant n’est-il pas paradoxalement à rebours du respect écologique de la nature qui exige la préservation de la diversité telle que l’évolution de l’univers l’a créée ? Les vivants humains semblent ne plus supporter leur nature fortement individuée, sexuée et carnivore. Au moment même où ils souhaitent sincèrement protéger la grande nature et faire des animaux leurs frères à part entière, ils s’en extraient. Animaux, certes, défendant les droits de l’environnement et des autres animaux, certes, mais animaux d’exception par leur pouvoir de faire fi de leur nature. L’orgueil tant reproché à nos prédécesseurs revient, masqué.
Rien n’est plus difficile que la construction de son identité personnelle. Celle-ci inclut la relation apaisée et jouissive à une sexualité qui, caractérisée par l’impulsion spécifiquement humaine du désir, est déliée de l’instinct de reproduction. Mais inclure n’est pas réduire. Une personne est un individu génétiquement unique qui, reprenant sans cesse par la pensée le donné, se façonne une silhouette spirituelle et devient, pour cela même, apte à résister aux tempêtes de sa vie.