Mars 2021 :
risquer sa chance ?

Il est un mystère des racines des mots associé à celui de la parole. La parole trace la ligne de démarcation entre l’espèce humaine et les autres vivants. C’est par le langage des mots que les humains relient, se relient, coopèrent, instituent des règles de vie commune, pensent, aiment, innovent. L’existence de la parole à la fois si flagrante et si inexplicable que les mythes du monde entier l’attribuent à une intervention divine. En remontant de plus en plus loin dans le passé, les sciences ne parviennent pas à expliquer le bond par lequel les vertébrés supérieurs, dont nous sommes, sont passés de la nature à la culture.

La formation des mots est aussi indiscernable que l’origine de la parole. Signes conventionnels pour désigner les choses, les mots ont des racines qui recèlent souvent un sens où nous pouvons puiser lumière et leçon. L’étymologie, discipline récente qui cherche à retracer l’histoire et l’élaboration des mots, trahit par la racine grecque de son propre nom son ambition secrète : atteindre, à travers le signe conventionnel, une vérité d’un autre ordre. Secrètement, la quête linguistique rechercherait la sagesse…

Risquer. Ce terme renverrait à deux autres. L’adjectif risicus = radical et le verbe resecare = enlever en coupant. Dans les deux cas, risquer renvoie au regard et à l’action de l’individu qui, face à une situation, la juge « tranchante » et donc « à trancher ». Situation où se joue quelque chose d’important, enjeu qui invite à jouer. À jouer, c’est-à-dire à ne pas pouvoir préjuger du gain ou de la perte. Mais le jeu n’a de sens que si le joueur mise sur sa chance ! Ainsi, risquer c’est s’embarquer dans une situation à l’issue incertaine en agissant dans le sens d’un heureux dénouement. « Risquer = s’exposer à une chance douteuse ». Telle est la définition donnée au 16ème siècle.

En apparence paradoxale, cette définition signale que la chance est au bout du risque. D’où les adages : « Qui ne risque rien n’a rien », « Le plus grand risque est de ne pas oser ». Nous avons à revenir au bon sens populaire et prendre le risque au mot. À chaque fois que la peur assombrit notre esprit et tétanise notre action, nous rappeler de la chance qui s’y profile. Et, surtout, nous rappeler que, pour naître et pour apparaître, la chance a besoin de nous !

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