Mars 2020 encore :
la survie de l’humanité ?

Déshabitués des guerres, de leurs absurdités et de leurs idéaux, accoutumés aux guerres délocalisées loin de chez nous, habitant une partie du monde qui érige la rationalité technique en critère de décision, nous voici mobilisés contre un virus dont nous ignorons les caprices et qui ignore les frontières. Notre attention est focalisée sur notre survie physique, seul bien que les désenchantements successifs du monde nous aient légué.

La crise déclenchée par une chauve souris, en bouleversant nos modes de vie, fait osciller nos cœurs entre la crainte et l’espoir. Peur d’être contaminé, affaibli, appauvri, ruiné dans le contexte d’une cité transformée en désert. Espoir de puiser dans cette situation exceptionnelle à la fois l’élan d’une nouvelle façon d’être et l’énergie pour transformer un monde rivé aux intérêts immédiats et à leurs conduites compulsives.

Face à la gestion de cette crise inédite un double regard critique peut être aussi déployé. Si la préservation de la santé individuelle et publique exige sans conteste la prudence, la prise en charge entière de nos vies par l’État ne marque-t-elle pas l’apogée de ce que Michel Foucault nomme « biopouvoir » ? Le pouvoir qui prend le contrôle sur nos vies, le pouvoir qui s’intruse dans l’intimité de nos existences sous prétexte d’en prendre soin. Le pouvoir qui, pour veiller sur nous aujourd’hui s’entraîne à nous surveiller constamment demain.

La crise pandémique nous adresse une question décisive : quelle survie souhaitons-nous pour l’humanité ? Une survie de santé et de longévité physiques conduite par un cerveau robotisé ? Une humanité d’hommes-animaux doublés d’hommes-machines ? Plutôt que de focaliser sur une guerre totale contre un virus malin ne devons-nous pas engager, intensifier le combat pour l’exercice libre de notre esprit ? Ce qui fait de chaque individu un être humain n’est-ce pas sa mystérieuse aptitude à transformer son inéluctable finitude en une aventure à vivre, à penser et à transmettre ?

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