Mai 2023 :
la liberté d’expression ?

La liberté d’opinion, indissociable du droit d’exprimer et de diffuser ses idées par les canaux de communication en cours, est un principe démocratique fondamental. Ce principe signifie que toute personne est libre de penser et donc d’avoir des opinions contraires à celles de la majorité. Si le critère des élections à suffrage universel est l’avis politique du plus grand nombre, le gouvernement qui en résulte est obligé de protéger, et même de favoriser, la diversité des points de vue.

La liberté d’association et de manifestation s’inscrivent dans le prolongement de ce principe. Composés d’individus qui partagent la même croyance, les partis politiques, les communautés religieuses et les confréries laïques sont libres d’exposer et de défendre des idées différentes, voire surprenantes, par rapport à ce qui est communément admis. Ce passage inévitable de l’individuel au collectif embrouille le problème de la liberté d’opinion. Car si un individu peut rester autonome dans sa pensée tout en étant membre d’une communauté, il peut aussi avoir l’illusion de penser librement alors qu’il ne fait que se plier à une doctrine imposée.

Pour sortir de la confusion, l’approche philosophique distingue entre opinion – croyance fermée par crainte de la confrontation – et pensée – démarche ouverte qui implique la critique. Dans le cadre d’une démocratie, la liberté d’expression, en offrant un éventail d’idées différentes et divergentes, devrait favoriser l’éveil et l’exercice de pensées libérées de préjugés. Or c’est le contraire qui semble aujourd’hui se passer. Au nom du respect des différences, nous sommes fortement incités à taire un avis qui pourrait froisser la sensibilité d’un autre ou d’une communauté. La force de l’incitation est souvent de l’ordre de l’intimidation. L’accusation « raciste », « homophobe », « islamophobe », « machiste », « antiféministe », « fasciste » etc. se fait de plus en plus fréquente.

Tout se passe comme si, au nom de la liberté et du respect autant des autres que des minorités, croissait le désir latent d’abolir l’altérité. Celle-ci signifie le fait que l’autre, individu ou groupe, est toujours plus que différent : il est extérieur à soi, avec la part d’étrangeté propre à l’étranger en apparence le plus proche. Pour comprendre, autant que faire se peut, l’altérité, il est nécessaire de partir de la sienne, d’oser exprimer une pensée susceptible de choquer en vue d’ouvrir une discussion humainement fertile. Actuellement, pour penser librement, il faut avoir le courage de résister au terrorisme idéologique ambiant qui nous rend si prompts à qualifier d’adversaire tout autre qui exprime une opinion diverse de la nôtre. Qui l’eut cru ? La liberté d’opinion est en train de générer son contraire, le dogmatisme, terreau du système totalitaire.

Partager cet article

La consultation philosophique

Renseignez ce formulaire
et je vous contacterai dans les meilleurs délais