Notre confinement est accompagné d’une succession d’ignorances, érigées en vérités remplacées du jour au lendemain par d’autres fausses vérités. À la carence actuelle des connaissances médicales s’ajoute le télescopage de deux logiques, économique et sanitaire, qui ont du mal à dialoguer.
Il nous faudra donc sortir en pratiquant le Que sais-je ? de Montaigne et son corollaire Le chemin se fait en marchant ! d’Edgar Morin. Incertitude de la connaissance, incertitude de l’action… Inquiétudes du cœur.
Que sais-je ? Nous tiendrons à distance les fausses vérités qui nous perturbent et/ou nous irritent. Nous mettrons entre parenthèses les avis tranchés des experts qui préfèrent le débat idéologique à la protection de notre santé. Nous tâcherons de retrouver notre bon sens, écorné par l’intellectualisation des problèmes vitaux.
Le chemin se fait en marchant. Nous initierons un « confinement déconfiné », reliant mesures de protection et rencontres diversement indispensables. Nous inventerons de nouvelles façons de travailler, allant plus rapidement à l’essentiel et nourrissant ainsi le courage de décider. Nous trouverons au fur et à mesure des astuces pour tricoter une convivialité responsable et joyeuse.
La responsabilité est la face sociale de la liberté individuelle : renforcer sa liberté en créant les conditions qui renforcent la liberté des autres. La joie est le sentiment de la présence, en nous et autour de nous, de la liberté créatrice. La joie annonce toujours que la vie a réussi, écrit Bergson.
Sortir avec confiance en sachant qu’il dépend de nous de transformer cette mésaventure virale en virage pour penser, diriger, produire et exister autrement : en affrontant les contradictions au lieu de les éviter, en dialoguant au lieu de polémiquer, en nous reliant à la différence de l’autre au lieu de la redouter. Ainsi notre existence cessera d’être la vie nue décrite par Giorgio Agamben – une vie obsédée par sa seule survie physique et exposée, pour cela même, aux manipulations des pouvoirs.