Juin 2024 bis :
la liberté politique ?

La liberté politique s’oppose à l’indépendance naturelle qui porte l’être humain, individuellement et collectivement, à faire comme bon lui semble et donc à transgresser les lois existantes, que celles-ci soient naturelles ou conventionnelles. Tel est le point de départ de Montesquieu, célèbre pour avoir fondé la liberté politique sur le principe de la limitation réciproque des pouvoirs constitutifs d’un État : exécutif, législatif et judiciaire. Dès que ce principe est bafoué, l’État cesse de servir la « chose publique » pour laisser libre cours aux indépendances naturelles autant des individus que des partis.

La dissolution de la Chambre des Députés par le Président de la République, suite à l’éclatante défaite de son parti aux élections européennes, relève-t-il de la catégorie de l’indépendance -du bon vouloir, de l’arbitraire individuel- ou de la volonté de rétablir une liberté politique en péril ? Si la formulation binaire de cette question ne respecte pas les nuances requises par la compréhension d’une situation complexe, elle peut cependant initier le questionnement.

L’arbitraire du vouloir individuel n’est pas seulement du côté d’un Président à tempérament solipsiste qui surprend par sa décision précipitée ses collaborateurs les plus proches. Cet arbitraire est aussi du côté de ceux qui, situés aux deux extrêmes, adaptent leurs promesses aux attentes irréfléchies de leurs électeurs, réels et potentiels. Si une attente irréfléchie n’est pas forcément illégitime, si les conditions sociales d’un grand nombre de citoyens et résidents sont franchement médiocres, leur promettre des jours meilleurs en misant sur leur ignorance relève de l’irresponsabilité. Ce même arbitraire du vouloir individuel est aujourd’hui excité chez ceux-là mêmes qui souhaitent l’avènement d’une liberté politique basée sur des lois respectueuses des libertés individuelles tant que celles-ci ne s’entre-détruisent pas, tant qu’elles tissent l’étoffe d’une diversité fertile. En effet, les partisans d’une démocratie réelle sont contraints à un choix hâtif, exclusivement polémique, donc impuissant à répondre à l’exigence républicaine. Être acculé à choisir entre des unions inopportunes par opportunisme est-ce servir l’intérêt de l’État Français ?

Les voies de la vie étant impénétrables et le cours des affaires humaines imprévisible, nous ne pouvons savoir si le coup de dés du Chef de l’État ne va pas ouvrir la voie à une évolution inattendue. Non pas en accord avec ses prévisions stratégiques, s’il en est, non pas au lendemain du résultat des urnes, mais autrement, à un autre moment. La nécessité d’éviter le chaos créé autant par des politiciens égocentrés que par une presse souvent épidermique finira, peut-être, par ouvrir des espaces favorables à une réelle discussion politique. Une discussion source d’alliances, qui ne soient plus les cache-misères d’intérêts mesquins, mais alliances fondées sur la recherche d’un sens commun à travers les divergences elles-mêmes. L’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, disait Marx. À condition que les problèmes soient correctement posés, complétait Bergson.

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