Février 2022 :
la vérité ?

Vérité est le mot pour désigner la connaissance exhaustive d’une réalité. Promue en concept majeur par Platon, obstinément recherchée et revendiquée par les philosophes qui lui succèdent, la vérité devient l’idéal de la science moderne, forte des techniques qui vérifient expérimentalement les hypothèses concernant les réalités étudiées. Longtemps, chaque système philosophique a prétendu livrer « la vérité » – les principes invisibles qui régissent le monde visible. La science expérimentale prétendait parvenir un jour à prévoir la structure et le mouvement du moindre petit atome… Aux grandes espérances philosophiques succède l’espoir scientifique.

La prétention à la certitude absolue transforme le concept de vérité en notion religieuse. L’affirmation de « la vérité », liée à la conviction qu’elle s’oppose radicalement à l’erreur et au mensonge, rend ses adeptes dogmatiques. Excluant ceux qui pensent autrement, cette conviction est l’instrument de domination privilégié des détenteurs du pouvoir. Les crimes d’intolérance commis au nom de la religion trahissent la cruauté inhérente à cette noble notion, en apparence.

La circulation de toutes les croyances et de leur contraire, jointe à l’incertitude introduite par les physiques du nucléaire, semble libérer notre époque de ce fléau. Et pourtant… Le dogme de la vérité anime une médecine de plus en plus « prédictive », fondée sur des connaissances et techniques pointues mais oubliant que chaque individu est unique. Ce dogme anime les polémiques des « anti » et des « pro » vaccin covid. Opter en sa faveur c’est en partie parier sur sa bienfaisance puisque nous ne pouvons en « prédire » aujourd’hui les éventuelles conséquences. Le dogmatisme s’infiltre dans nos opinions les plus courantes et alimente de nouvelles idéologies. La croyance en la possession de « la vérité » nous abrutit et nous divise.

Si elle pouvait fonctionner, la bocca della verità – statue/test du vrai censée trancher la main du menteur – ferait aujourd’hui beaucoup de manchots. Elle nous aiderait cependant à comprendre que la vérité est partielle, relative, provisoire et que la façon la plus sûre de l’approcher est d’ouvrir l’éventail bariolé des points de vue sur fond de devenir incertain. Une telle conception du vrai révélerait la fertilité des divergences et la complémentarité des contradictions. Elle révélerait aussi la nécessaire solidarité des humains pour limiter les marges d’erreur. La bouche de la vérité actualisée : sur fond d’impossible « Vérité », ouverture à la réduction progressive de nos erreurs.

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