Février 2020 :
la peur transformée

Indice d’un péril réel imminent, la peur est une émotion vitale. Sa fonction est de déclencher l’action défensive, attaque ou fuite. Ce qui, pour l’animal, est protection active devient aisément inhibition pour la conscience qui se projette dans l’avenir en imaginant autant le possible que l’improbable. Pour l’être humain, la peur est la plus délirante, la plus polymorphe, la plus égocentrique des émotions. Inquiétude, anxiété, angoisse, phobie… Le moi, clos sur lui-même, se fait serpent qui se mord la queue.

Ce statut spécifiquement humain de la peur est exploité par l’organisation sociale qui impose ses règles en misant davantage sur la crainte que sur la bonne volonté. En érigeant la sécurité en valeur centrale et la prévention des risques en enjeu primordial, les sociétés technologiquement développées transforment cette émotion vitalement indispensable en ennemie de la vie. Peur de l’autre, peur de l’échec, peur de la maladie, peur de la contamination, peur de la décision, peur du futur… Le marché s’en empare pour vendre recettes et produits, assurances et garanties. Aux frissons de nos peurs ainsi téléguidées, la bourse tremble.

« La peur provoque la chose redoutée ». Le constat de Montaigne concernant la peur humaine sonne comme un réveil. Rompre le cercle vicieux en choisissant l’action. Aller vers autrui, convertir l’échec en ouverture, confier la décision à l’épreuve du réel, miser sur l’imprévu heureux. Ménager sa monture pour affronter les tempêtes de l’existence en cultivant le soleil de la confiance clairvoyante. Réserver sa peur pour ce qui est réellement redoutable, l’obscurantisme et l’avidité, sources de violence.

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