Né d’une reprise originale des grands mythes, le théâtre tragique met en scène, en l’approfondissant, la vision que la culture populaire grecque avait de la condition humaine. Être exceptionnel par sa faculté de penser ce qui diversement l’entoure et le traverse, l’homme est continuellement mis à l’épreuve de ses propres contradictions.
Troublé par l’ambivalence de ses sentiments. Déchiré par les dilemmes auxquels le confrontent ses choix. Inquiet de ses relations avec ses semblables si différents. Surpris par un univers tantôt admirablement ordonné et tantôt désastreusement bouleversé. Conscient de l’inéluctabilité de sa mort et de survenue possible de celle-ci à tout moment. Troublé, déchiré, inquiet, surpris, conscient, le héros tragique aime, pourtant et pour cela, inconditionnellement la vie. Vie qu’il préfère intense et brève plutôt que longue et insipide. Vie éclairée par une aspiration, une ambition, un idéal inspirant un combat qui vaut la peine d’être mené.
En cette période difficile où la mort frappe à nos portes sans forcément y entrer et où la gestion rationnelle/pathétique de la pandémie nous renvoie obsessionnellement au virus, peut-être avons-nous besoin de retrouver le sens tragique de l’existence. Le caractère éphémère de nos vies, leur humeur versatile, leur suspension au-dessus du connu/inconnu de notre fin, tout cela nous incite maintenant plus que jamais à accepter notre imperfection et à prendre la mesure de nos essentiels, essentiels personnels et plus largement humains.
Qui l’eut cru ? La pesée de l’essentiel renforce notre système immunitaire. Elle nous prépare ainsi à un déconfinement libérateur des scories qui rongeaient, déjà, nos vies.