Après les mois de lourdeur imposés par un confinement pollué d’informations sinistres, nous voici à nouveau à l’air libre. La présence de l’été vient renforcer une insouciance retrouvée par-delà les grondements annonciateurs d’une nouvelle vague pandémique. Trop c’est trop, le vase déborde. Déliés, sommes-nous pour autant plus légers ? Ne confondons-nous pas « léger » et « superficiel », « légèreté » et « divertissement » ?
Si l’aisance des surfaces et les distractions plaisantes sont indispensable à notre repos, l’accès à une légèreté d’un autre ordre est nécessaire à notre mouvement – aux mouvements qui nous font évoluer et franchir des seuils. L’enseignement de Nietzsche est, sur ce point, éclairant. La légèreté, dit-il, est le propre d’un esprit qui libère ses épaules des charges endossées par les « oui » prononcés à la place des « non » éprouvés. Cet esprit se déleste également des ornements, des faux devoirs et des opinions ambiantes, ces écorces qui servent à dissimuler aux autres et à soi une mollesse intérieure qui donne le vertige. Courbé, « l’esprit de lourdeur » mastique et rumine. Analysant en permanence pour mieux digérer, il rend sa vie indigeste et pesante à porter.
Pour gagner la légèreté qui rend l’existence humaine aimable à travers ses difficultés incontournables, il faut « apprendre à s’aimer soi-même ». Non pas d’un amour égocentrique et frileux, mais « d’un amour sain et bien portant ». Cela signifie pour commencer … « se supporter soi-même ». Ne pas vagabonder pour se fuir. S’appliquer au contraire à maintenir verticale et souple à la fois sa colonne vertébrale existentielle, et cela quoi qu’il en soit des événements. Ainsi, l’obstacle rencontré, aussi rude soit-il, ne sera pas vécu comme une agression mais comme un hasard qui nous ressemble…
À l’image des nuages qui, sur fond de ciel, composent en dansant des formes aux contours imprévisiblement changeants et irisés, « l’esprit léger » retrouve le « sérieux de l’enfance » : il apprivoise la vie la questionnant et en jouant. Ainsi dure longtemps le bel été !