Mars 2025 :
la fidélité ?

Rester constant dans ce à quoi l’on croit du fond du cœur et respecter les engagements pris en accord avec ses convictions est une vertu au sens latin de ce mot : c’est une source d’énergie, une capacité, une qualité qui rend fort. Cette vertu a été dévoyée par un usage ecclésiastique qui l’a confondue avec l’attachement au choix du partenaire quand même les événements remettent ce choix en cause. Elle a été également dévoyée par la pratique d’une politique politicienne qui assimile fidélité et persévérance obstinée dans un parti pris. Déviée en moralisme ou en idéologie, la fidélité rejoint aujourd’hui la liste des qualités désuètes.

N’est-ce pas cependant maltraiter la fidélité que de la considérer comme une entrave à la flexibilité, à l’adaptabilité aux évolutions inévitables de tout ce qui est dans le temps ? Cette maltraitance n’est-elle pas due à une orientation erronée de notre regard ? Souvent, nous fixons notre attention sur les individus ou les idées auxquels nous avons attaché notre loyauté, estimant que nous en éloigner ou les quitter c’est les trahir. Or les êtres et les situations changent. La question n’est pas de s’attacher au mât pour éviter la tempête mais de penser à la navigation. La question est de reconsidérer les raisons qui nous font vivre. L’objet de notre choix de jadis répond-il toujours aux aspirations et aux exigences dont dépend notre verticalité existentielle ? S’inscrit-il toujours dans le mouvement de cette fidélité à nous-mêmes grâce à laquelle nous nous reconnaissons et avançons sur le chemin de la vie ? Notre fidélité exige-t-elle que nous maintenions notre engagement ou, pour respecter notre engagement, avons-nous à réviser notre choix initial ?

La fidélité requiert effort et patience. L’effort va à la remise en question de soi, la patience à la prise de décision que celle-ci provoque. Notre époque n’est guère favorable à l’exercice de ces qualités. La biodégradabilité de tout ce qui nous entoure encourage la précipitation. L’obtention instantanée des informations dont nous avons besoin, le remplacement rapide d’un paysage par un autre lors de nos voyages organisés, la substitution immédiate de l’engin qui se détraque etc. façonnent notre rapport au réel en faisant de nous des consommateurs impatients et souvent hésitants. Or, pour rester fidèle, il est nécessaire de s’assurer que les raisons qui ont fait naître et vivre notre fidélité résistent toujours à la mort.

La fidélité se nourrit à une sorte d’éclosion continue qui la sauve de l’usure. Cette éclosion continue est aussi bien de notre fait que de celui de la personne ou de la cause auxquelles nous nous étions dévoués. La fidélité a besoin de réciprocité pour garder sa fraîcheur, ses couleurs et continuer ainsi d’être vivante et agissante. Elle est comme la rose du Petit Prince qui commence se construit dans l’apprivoisement réciproque qui devine, par-delà les épines, la tendresse.

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