Juillet 2025 :
la paix ?

Dans un monde où la violence et la guerre battent leur plein, il est sain de s’interroger sur le sens de la paix. Du verbe latin paciscor qui signifie conclure un accord, le mot indique d’emblée que, loin d’être naturelle, la paix est le produit d’une convention et qui, comme tout acte conventionnel, est limité dans l’espace et dans le temps. La Pax Romana commence avec l’empereur conquérant Auguste qui, pour mettre fin aux guerres civiles, impose des règles obligatoires à l’ensemble des peuples de l’Empire, peuple romain et peuples conquis. Définie comme un ensemble de droits et de devoirs, la paix visée était synonyme de sécurité, condition de l’ordre social, du commerce et de la construction d’œuvres publiques nécessaires ou/et prestigieuses. La paix ainsi entendue favorisait la solidité et la durabilité du pouvoir politique de l’empire au sein d’un espace extensible mais borné.

Environ 17 siècles plus tard, Kant oppose à la paix sécuritaire et géographiquement délimitée l’idée positive d’une possible paix convenue entre les États et extensible au fur et à mesure sur la planète entière. Confiant en la nature rationnelle de l’être humain, convaincu que l’humanité est une toujours et partout, Kant mise sur le « progrès moral » dont est capable, sur le long terme, l’humanité. Cette évolution, initiée par la Révolution de 89, oriente résolument l’humanité vers une direction déterminée : l’institution universelle d’États dont les lois reconnaissent et protègent l’exigence de liberté innée en tout individu et activable par l’éducation. Le processus consiste en un remplacement graduel des tyrannies existantes par des États politiquement libéraux. Il s’institue moyennant des conventions passées entre ceux-ci et composées de clauses qui lient sans exception possible les États ainsi réunis. Interdiction de former des armées permanentes, de s’ingérer dans les affaires d’États étrangers pour leur ”bien”, de faire des emprunts générateurs de servitudes mutuelles, de briguer la suprématie d’un État sur un autre… Engagement de fonder le pouvoir sur le choix libre des citoyens, d’établir un droit international fédéral qui exclut la suprématie d’un État sur un autre, de définir les principes d’une hospitalité universelle… Rigoureusement appliquées, ces clauses peuvent faire tache d’huile et générer l’aspiration à une « paix perpétuelle ».

La paix imaginée par Kant repose sur sa conception de l’humanité. Doté de passions et de raison, tout individu est capable du pire comme du meilleur. Le « mal » est cette tendance indéracinable qui porte chacun à viser son intérêt propre jusqu’à détruire physiquement ou/et symboliquement autrui. Le « bien » est cette faculté innée en chacun de suivre la raison qui commande le respect inconditionnel de tout autre. Il n’y a pas d’un côté les « bons » et de l’autre les « méchants » mais, partout, des êtres à la fois faillibles et perfectibles. Il n’y a pas de peuple supérieur ou inférieur, paria ou élu, car nous sommes tous les produits du même univers ou les enfants du même Dieu. Il n’est de religion véritable que celle qui exige la reconnaissance intime et réciproque de notre obligation absolue de nous respecter les uns les autres. Travail difficile, travail indéfini, mais travail possible ! Kant nous inspire la question suivante : et si paix commençait avec la pacification de chacun avec soi-même moyennant un pacte passé avec ses propres démons ? S’accorder avec ses dissonances intérieures inévitables pour ne pas être tenté de les exporter…

Partager cet article

La consultation philosophique

Renseignez ce formulaire
et je vous contacterai dans les meilleurs délais